8 définitions pour ne pas se faire avoir quand on veut consommer bio et local

Meli BEAL
Blog de SPEAR
Published in
7 min readSep 29, 2017

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Quelle est la différence entre l’agriculture biologique, la biodynamie ou l’agroécologie ? Entre les circuits-court et le locavorisme ? Comment ne pas se faire avoir par les grandes surfaces, qui jouent de la confusion entre ces termes et en profitent pour gonfler leurs marges ? Une réponse dans ce petit lexique de l’agriculture et des modes de consommation durables.

dessin de Seb Eric PELLENARD (bienpublic.com)

L’agriculture alternative :

Agriculture raisonnée

Comme son nom l’indique, contrairement à l’agriculture intensive ou “productiviste”, qui cherche par tous les moyens à maximiser son rendement, l’agriculture “raisonnée” tente de combiner le rendement économique avec une diminution de son impact sur l’environnement. Cela passe notamment par la limitation de l’usage d’intrants chimiques. C’est donc toujours de l’agriculture conventionnelle, mais qui prend plus en compte l’environnement dans sa démarche.

Agriculture biologique

Ce terme désigne un type de culture qui n’utilise pas de pesticides ou d’engrais chimiques, mais les remplace par d’autres méthodes. En dehors de cela, elle peut être assez semblable à l’agriculture conventionnelle, excepté qu’elle est plus soucieuse de préserver les sols et limiter son impact sur l’environnement. Contrairement à l’agriculture conventionnelle, elle préférera la rotation des cultures à la monoculture pure, par exemple. Mais elle n’est pas indépendante de certaine méthode, comme par exemple l’usage du cuivre, bien que celui-ci soit plus réglementé.

Agriculture biodynamique ou biodynamie

Théorisée par Rudolf Steiner, inspiré par Goethe, la biodynamie considère la culture comme un organisme vivant. Elle consiste à prendre soin des sols et des plantes (par le compostage ou des préparations de plantes) pour une alimentation saine. Elle est basée sur des principes ésotériques, notamment l’influence des astres ou les cycles lunaires, ce qui la différencie de l’agriculture biologique. Ses produits sont rassemblés sous le label Demeter.

Agroécologie

Cette pratique vise à intégrer toutes les caractéristiques d’une gestion écologique de l’espace de culture, en cherchant la complémentarité entre les espèces, l’économie de l’eau, le compostage… Contrairement à l’agriculture biologique (et dans une moindre mesure, la biodynamie) elle n’utilise par exemple pas de cuivre dans les sols. En optimisant sa production dans une démarche globale de développement durable, elle favorise la biodiversité et la capacité de résilience des écosystèmes face aux conséquences du réchauffement climatique : plantes résistant à la sécheresse, animaux d’élevages supportant des températures plus élevées et rejetant moins de méthane. Elle peut utiliser aussi l’agroforesterie, qui consiste à associer la plantation d’arbre aux cultures (ce qui est très bénéfiques pour la biodiversité, la qualité des sols, de l’eau…).

L’agroécologie en tant que mouvement se rapproche beaucoup de l’esprit de la permaculture, qui intègre déjà ses bonnes pratiques. D’après Olivier de Schutter, rapporteur de l’ONU sur les questions d’agriculture et d’alimentation, passer à l’agroécologie permettrait de doubler la production dans des régions entières en 10 ans, tout en apportant des solutions au changement climatique et en permettant de lutter contre la pauvreté rurale.

Permaculture

Au-delà des pratiques agricoles, ce terme popularisé par Bill Molison et David Holmgren dans les années 1970 désigne une éthique des systèmes humains soucieuse de la terre (et de tous ses habitants), de sa biodiversité et de ses ressources, de l’harmonie entre les activités humaines et les écosystèmes. En agriculture, c’est une technique qui imite les écosystèmes naturels qui sont autorégulés : pas besoin d’intrants ou de pesticides, et pas question ici de monoculture. Par exemple, dans une ferme au Mexique, on plante du maïs, des haricots et des citrouilles ensemble : le maïs sert de tuteur aux haricots qui fixent l’azote de l’air, tandis que les feuilles de citrouilles font de l’ombre sur le sol et gardent son humidité (voir le film : Les Moissons du Futur, de Marie Monique Robin). La permaculture vise donc à concevoir des systèmes humains durables en prenant en compte la relation entre tous ses éléments, en s’inspirant de la nature. C’est en cela qu’elle représente l’antithèse à un modèle agro-industriel, par principe peu soucieux de son impact sur l’environnement et la société.

Agroforesterie

C’est une technique très ancienne, liée à l’agroécologie, consistant à associer la plantation d’arbres à l’élevage ou l’exploitation agricole. Les arbres sont importants pour la biodiversité et le climat et très bénéfiques pour l’agriculture : ils protègent et améliorent la qualité et la fertilité des sols, aident à réduire la pollution des nappes phréatiques, stockent le carbone et donc limitent les effets du changement climatiques. Les associer aux cultures permet aussi de diversifier la production et de générer des revenus continus. En surface, ils ont un rôle protecteur pour les cultures ou les animaux ; en profondeur, leurs racines récupèrent les éléments fertilisants des sols.

Ferme du Bec Hellouin

Toutes ces méthodes, qui ne sont pas exclusives (et il en existe d’autres), consistent à jouer avec la complémentarité entre les espèces afin de tirer un maximum parti des ressources à la disposition des éleveurs et agriculteurs. En bref : des solutions économiques, qui améliorent les rendements, qui ne nécessitent pas d’intrants de synthèse (et les bannissent), et permettent d’améliorer la biodiversité et la résilience au réchauffement climatique. Adopter ces solutions à grande échelle permettrait d’améliorer la situation des agriculteurs, et si on s’avance un peu, endiguer l’exode rural et créer de l’emploi dans un contexte social et économique difficile. Certes, les “profits” financiers sont moins intéressants. Mais est-ce encore un critère déterminant quand il s’agit de préserver la planète et nourrir ses habitants ?

La consommation alternative :

Locavorisme

Le locavorisme est un mouvement qui consiste à consommer la nourriture qui a été produite dans un rayon de 100 à 250 kilomètres. Il est né aux Etats-Unis dans les années 1980 en réaction aux excès de l’industrie agroalimentaire et à la malbouffe et lié au concept de “food miles”, notion inventée par Tim Lang ; aux Etats-Unis, 23 millions de personnes vivent dans les “food desert” où l’accès aux produits frais et sains est difficile voire impossible car les lieux de distribution sont trop éloignés. Dans une démarche de développement durable, les locavores privilégient donc les produits frais et de saison, et cherchent également à supprimer la distance en s’approvisionnant directement auprès du producteur ou avec peu d’intermédiaires (maisons de producteurs, marchés, le site locavor.fr). Il n’y a pas que les émissions liées au transport qui sont critiquées, mais tout le modèle agro-industriel, notamment la monoculture (difficile de trouver des fruits et légumes frais dans une région dominée par les champs de maïs…). Ce qui est dénoncé également, c’est le prix des produits industriels, qui ne reflètent pas le réel coût lié à leur production et fait ainsi concurrence aux produits frais et sains.

Circuits-courts

D’après le ministère de l’agriculture, un circuit court est “un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire”. Comme le fait remarquer cet article (du Magazine de La Ruche qui dit oui), la question de la distance n’est même pas évoquée dans cette définition ! Ainsi, il ne faut pas se faire avoir : acheter local n’est pas toujours un gage de qualité, et l’impact sur l’environnement vient plus de la production elle-même que du transport des produits. Pour diminuer l’impact de sa consommation sur l’environnement, mieux vaut acheter des produits issus d’une exploitation bio à 100km plutôt que ceux du champ d’à côté qui sont bourrés de pesticides. D’après le Labo de l’ESS, un circuit court obéit à quatre critères : la création de liens sociaux et de coopération, l’équité dans les échanges financiers, une approche participative et une logique pédagogique.

page Facebook de Fermes d’Avenir

Conclusion : si vous voulez améliorer votre consommation pour le bien de l’environnement et votre santé, privilégiez les produits frais et au minimum « bios » (au mieux, issus d’exploitations agroécologiques ou permaculturelles) ; réduisez votre consommation de viande et vérifiez sa provenance (au minimum Label Rouge), en particulier de boeuf, qui est ultra-polluant ; approvisionnez-vous de préférence en circuit courts (ce qui ne veut pas dire « le plus près possible de chez vous » !) : c’est à dire, évitez les grandes surface, qui multiplient les intermédiaires et ne rémunèrent pas assez justement les producteurs, qui surfent sur la tendance, profitent des confusions et gonflent indécemment leurs marges

Voir aussi cet article sur le blog de SPEAR qui parle de la transition écologique dans le monde agricole.

Des initiatives positives pour repenser l’agriculture et la consommation

- Faire ses courses chez Biocoop, réseau national de magasins offrant des produits issus de l’agriculture biologique, partenaire de SPEAR qui a financé le lancement de plusieurs magasins

- Acheter les produits « C’est qui le patron ? » : la marque du consommateur pour concevoir des produits responsables collectivement

- Aller manger chez Simone Lemon, un restaurant qui cuisine des « légumes moches » (ceux qui sont aussi bons que les autres mais dont le calibre n’est pas assez parfait pour la grande distribution…)

- Commander des produits bios à des agriculteurs locaux grâce à La Ruche qui dit oui, Le Drive fermier, Les AMAP

- Penser aux applications pour lutter contre le gaspillage alimentaire

- Se lancer : L’agriculture en milieu urbain, c’est possible !

Et à grande échelle aussi… : A Shanghai, une ferme urbaine durable de 24 millions d’habitants doit bientôt voir le jour

Si vous êtes agriculteur conventionnel : essayez par exemple les biostimulants d’Axioma France, issus de la recherche scientifique, qui permettent de réduire la dépendance aux intrants chimiques en améliorant les rendements (Axioma était présente le 4 septembre au forum Convergences).

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