Les Minibons, un bon(d) potentiel pour la finance participative ?

Sophie Brosse
Blog de SPEAR
Published in
5 min readAug 17, 2017

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Le 27 avril 2016, Michel Sapin et Emmanuel Macron (alors ministres des Finances et de l’Économie) ont présenté une ordonnance relative aux bons de caisse, qui modifie leur régime juridique et crée les minibons, outils spécialement conçus pour le financement participatif. Un an plus tard , qu’en est-il de ce nouveau support d’investissement ?

Qu’est-ce qu’un minibon ?

Officiellement né le 1er octobre 2016, le minibon est une variante du bon de caisse spécifiquement pensée pour les plateformes de prêt participatif, afin d’aider les entreprises dans leur recherche de fonds et leur développement.

Comme le bon de caisse, il fonctionne comme un titre de dette, qui engage l’emprunteur à rembourser le capital ainsi qu’à verser des intérêts au souscripteur. Celui-ci peut être personne physique ou morale.

Objectifs de création

  1. Permettre une diversification des investissements

Dans le contexte économique actuel, les acteurs -particulier, entreprise ou institutionnel — cherchent à diminuer leur risque en diversifiant leurs placements. Les bons de caisse, nés il y a 80 ans, avaient été remis au goût du jour par Unilend en 2013 afin de permettre aux entreprises et aux fonds d’investir dans le prêt participatif, qui n’était ouvert depuis 2014 qu’aux personnes physiques ; mais aucune régulation n’était effectuée par une autorité extérieure à la plateforme. En 2016, le prêt par bons de caisse traditionnels représentait ainsi une part infime du financement participatif : 8M€ par rapport à un marché du crowdfunding de plus de 630M€.

La vocation du minibon est donc d’offrir un instrument financier auquel les personnes morales peuvent souscrire, afin d’encourager le prêt direct aux entreprises.

2. Renforcer la protection des prêteurs

La législation a cherché à éviter les risques de blanchiment d’argent, les liens avec le terrorisme, ou encore la mise en danger de la situation financière des investisseurs. Ainsi, la détention des minibons ne peut être anonyme (contrairement aux bons de caisse) et l’AMF contrôle le déroulement des prêts, en s’assurant notamment que le souscripteur et l’investisseur soient suffisamment informés sur ce titre. Les plateformes de prêts participatifs ont un rôle de conseil : elles vérifient que les montants investis sont cohérents avec la situation financière et les objectifs des investisseurs, mais elles se chargent aussi de mettre en garde les épargnants contre le risque de défaut de l’émetteur.

3. Faciliter la circulation des titres

L’ambition avec le minibon est par ailleurs de permettre à ces titres d’être échangés plus facilement, en autorisant leur émission et leur cession via un dispositif type blockchain (un registre décentralisé d’enregistrement partagé, qui permet une grande sécurité des transactions). Cela permettrait d’imaginer un marché secondaire (mais sans cotation) du crédit non bancaire. Les investisseurs pourraient alors bénéficier d’une meilleure liquidité de leurs placements, car il leur serait possible de les échanger ou vendre en cas de besoin.

Caractéristiques

1. Intermédiation obligatoire

Les minibons ne peuvent être proposés que par des plateformes disposant du statut de Prestataire de Services d’Investissements (PSI) ou de Conseiller en Investissements Participatifs (CIP) et sont régulés par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).

2. Emetteurs variés et sommes plafonnées

Les minibons peuvent être émis par des sociétés par actions (SA, SAS, SCA) et des SARL, au capital intégralement libéré (c’est-à-dire entièrement disponible pour la société) et ayant déjà clôturé plus de trois exercices. Le montant total proposé par un même émetteur est limité à 2,5 millions d’euros, calculé sur une période de douze mois (cela permet, dans le respect de ce plafond, une émission en série de minibons, au fil de l’eau).

3. Durée limitée et intérêts fixes

La maturité des minibons ne peut excéder 5 ans et le taux d’intérêt des minibons doit être fixe, dans la limite du taux d’usure (taux d’intérêts maximal fixé par la Banque de France pour éviter les excès). La périodicité de remboursement doit être constante et au moins trimestrielle. Il n’est donc pas possible de prévoir une émission avec remboursement in fine.

4.Régime fiscal avantageux

La déductibilité des pertes peut être imputée sur les intérêts générés par d’autres minibons ou prêts participatifs, dans la limite d’un plafond annuel de 8000 euros. Cela ne concerne toutefois que l’impôt sur le revenu et non pas les prélèvements sociaux dus.

Le bilan aujourd’hui

A la date de rédaction de cet article, les minibons fêtent leur premier anniversaire. Tout d’abord, il faut noter la chronologie des évènements qui n’ont pas été immédiats, suite à la loi du 27 avril :

  • ordonnance présentée en avril 2016,
  • décret passé dès 6 mois plus tard,
  • loi de finance rectificative votée en décembre 2016 pour introduire la déductibilité fiscale des pertes.

On ne dispose pas encore de chiffres sur les montants collectés, mais les mesures récentes adoptées devraient booster les sommes récoltées via ce nouvel instrument. Le crowdlending, qui avait auparavant le vent en poupe avec plus de 83M€ réunis en 2016 (x2.6 par rapport à 2015), connait déjà au premier trimestre 2017 une croissance de +70% par rapport à l’an dernier (source Crowdlending.fr). Plusieurs plateformes de financement participatif avaient anticipé leur mue pour pouvoir proposer des minibons en obtenant l’agrément de conseiller en investissement participatif (CIP) : Unilend, Lendosphère, Credit.fr, Bolden ou WeShareBonds.

Reste cependant à définir l’encadrement législatif des minibons pour leur inscription dans un dispositif reposant sur la technologie blockchain…

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